28.8.25 Après de si longs paragraphes de ma plume, une petite pause en images qui bougent, si édifiante : le film d'Alain Resnais, "Mon Oncle d'Amérique", est une merveilleuse illustration des processus nerveux autonomes qu'on a commencé à bien comprendre entre autres avec le chercheur français Henri Laborit
On en est au septième billet sur la dysautonomie. Petit rappel. Dans le mode de vie « sain », un des critères parmi les plus cruciaux est le plus difficile à expliquer est le calme neurovégétatif, l’équilibre entre les diverses branches du système nerveux autonome (SNA). Quand ce dernier est mis à mal, le corps est en dysautonomie: parfois légère ettemporaire, parfois forte, parfois forte et chronique! Tous nos systèmes fonctionnent en harmonie, ce qu’une nouvelle branche de la science médicale a mise en lumière – la psycho-neuro-immunologie ou PNI. Vaste sujet, qui nous a été exposé en film en 1980 par Alain Resnais dans « Mon oncle d'Amérique ». Il y exposait les résultats des travaux du français Henri Laborit (Eloge de la fuite). J'ai déjà présenté succinctement la PNI , mais rien ne vaut une mise en scène concrète.
Mon copain Robert a un fort tempérament, a été acrobate de cirque et se retrouve à cinquante ans avec divers dégâts organiques, dont une maladie auto-immune. Son tout gros souci: il ajoute médicaments sur vitamine D sur hormone, mais il continue à se fouetter l’organisme: des horaires infernaux, deux emplois conjoints, des fêtes à n'en plus finir. Il l'a toujours fait, ça lui a réussi... jusqu'ici. Non seulement le corps supportait ces excès, mais il aimait ça, car c'était sa nature profonde. Son état général le lui permettait d'ailleurs.Après quelques chocs, dont certains générateurs d'inhibition de l'action, où Bob ne pouvait ni lutter ni fuir (on verra ci-dessous), il a petit à petit déséquilibré tous les systèmes internes autres que le système nerveux : digestif, immunitaire, hormonal, etc.
C’est non seulement difficile à expliquer et peu connu (pas de médocs pour le SNA, donc pas de recherches et pas de marketing), mais c’est coton pour mon copain Bob de piger qu’ici et maintenant son corps n’a plus les armes d’autrefois et ne peut plus contrer les agents stressants avec autant d'aisance. C’est bien normal, il a vécu depuis plus de cinquante ans dans une citadelle forte… et tout d’un coup il y a des trouées dans les murs. On ne peut les colmater qu'en soignant le désordre du SNA comme objectif principal.
D'autres exemples concrets sont édifiants dans le film d'Alain Resnais, "Mon Oncle d'Amérique",. C'est une merveilleuse illustration des processus nerveux autonomes qu'on a commencé à bien comprendre entre autres avec Laborit. Par des expériences sur des rongeurs, il a démontré que le stress chronique mal géré, résultant de l'inhibition de l'action (impuissance), s'attaque au système immunitaire, aux neurones et jusqu'aux chromosomes. Dans le film, Resnais extrapole aux humains.
Ci joint un extrait, qui expose le mécanisme d'inhibition de l'action entre autres (le freeze de la théorie polyvagale?). Le metteur en scène met en miroir les rongeurs (que nous ne sommes pas, certes) avec les réactions humaines (qui sont quasi identiques à celle des rats de labo).
Si la vidéo disparaît, je l'ai téléchargée. Prévenez-moi, je la publierai sur mon compte rumble.
Je ne suis pas sûre que beaucoup d'internautes comprennent à quel point, subtilement, la pratique des réseaux sociaux, de celui-ci jusqu'à tiktok, entretiennent ces mécanismes de stress et d'inhibition de l'action.
[Expérience : un rat dans une cage comportant deux compartiments. Entre ces deux compartiments, une cloison et une petite porte. Le plancher grillagé de chacun de ces deux compartiments est relié à une petite source électrique.]
Le plancher du compartiment où se trouve le rat est électrifié intermitemment. Avant que le courant électrique passe dans le grillage du plancher, un signal sonore prévient l’animal qui se trouve dans la cage que quatre secondes après, le courant va passer.
Le rat ne le sait pas au départ. Mais il apprend vite. Au début, il est inquiet. Puis très rapidement, il s’aperçoit qu’il y a une porte ouverte et il passe dans la pièce à côté.
La même chose se reproduira quelques secondes après. Mais le rat saura vite qu’il peut éviter la punition, le petit choc dans les pattes, en passant à temps dans le compartiment où il était au début.
Cet animal qui subit cette expérience pendant une dizaine de minutes par jour, pendant sept jours consécutifs, au bout de ces sept jours va être en parfait état, en parfaite santé. Son poil est lisse. Il ne fait pas d’hypertension artérielle. Il a évité par la fuite la punition. Il s’est fait plaisir. Il a maintenu son équilibre biologique.
Mais ce qui est facile pour un rat en cage est beaucoup plus difficile pour un homme en société. En particulier, parce que certains besoins ont été créés par cette vie en société. Et cela depuis son enfance. Et il est rare qu’il puisse, pour assouvir ses besoins, aboutir à la lutte, lorsque la fuite n’est plus efficace.
[Poursuite de l’expérience. Désormais, la porte de fuite entre les deux compartiments de la cage est fermée…]
Dans cette seconde situation, la porte entre les deux compartiments est fermée. Le rat ne peut pas fuir. Il va donc être soumis à la punition à laquelle il ne peut pas échapper.
Cette punition va provoquer chez lui un comportement d’inhibition. Il apprend que toute action est inefficace. Qu’il ne peut ni fuir, ni lutter. Il s’inhibe.
Et cette inhibition, qui s’accompagne d’ailleurs chez l’homme de l’angoisse, s’accompagne aussi dans son organisme de perturbations biologiques extrêmement profondes.
Si bien que si un microbe passe dans les environs, alors que normalement il aurait pu le faire disparaître, là il fera une infection. S’il a une cellule cancéreuse qu’il aurait détruit, il va faire une évolution cancéreuse.
Ces troubles biologiques aboutissent à tout ce qu’on appelle les maladies de civilisation, ou psychosomatiques : les ulcères de l’estomac, les hypertensions artérielles, l’insomnie, la fatigue, le mal-être…
La trame du film complet est très prenante, on peut le voir en totalité: https://www.youtube.com/watch?v=T9e01JBy3cE
Le professeur Laborit ne traitait pas du SNA ou de la PNI (le terme n'existait pas encore). Il avait repéré quatre comportements de base et leur impact sur la physiologie :
Tous comportements déclinés à partir d'une pulsion de base, qui pousse les êtres vivants à maintenir leur équilibre biologique, à se maintenir en vie. Un slogan: "Un cerveau, ça ne sert pas à penser, mais à agir. Quels que soient les mécanismes que relèvent la PNI, Laborit ou les praticiens du SNA (dont Porges avec sa TPV), on peut s'amuser à les mettre en regard les uns des autres. On arrive quasi toujours aux mêmes ensembles; et au fait que les désordres du comportement impactent la biologie, parfois de manière majeure.
Dixit Laborit: «Tant que l’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète, la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, et tant qu’on n’aura pas dit que jusqu’ici ça a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quelque chose qui change.»
L'extrait: