28.8.25 Le déni commence à s'estomper autour de la dystonie neurovégétative ou dysautonomie, qui devient une approche documentée scientifiquement. Depuis dix ans, dans ce domaine, une nouvelle théorie fait fureur chez des psys, des ostéos, des naturos : la théorie polyvagale de Stephen Porges (TPV). Ce théoricien ajoute à cette approche pourtant si claire des couches d’information qui pourraient s’avérer inutiles pour notre approche.
Posons d'abord les bases: chacun fait ce qu'il veut de sa pratique, du moment qu'elle est efficace et qu'ellesoulage durablement le patient/client. Je suis un éducateur de rue du net et, à ce titre, je transmets des informations factuelles, afin que chacun fasse un choix en conscience. Que les praticiens polyvagaux ne le prennent pas mal, mais depuis mes débuts en écriture, j'ai choisi d'écrire autant pour les alternatifs que pour les conventionnels. Pour être validée, je me dois de représenter des mouvances qui ont fait leurs preuves dans leur domaine et de signaler aux lecteurs les effets de mode de certaines méthodes. Un lecteur médecin généraliste traditionnel pourrait se braquer lorsqu'on présente comme "scientifique" une méthode qui n'a pas encore été validée.
Ceci étant posé, en route pour un regard en conscience.
La dystonie neurovégétative ou dysautonomie est une approche documentée scientifiquement. Depuis dix ans, dans ce domaine, une nouvelle théorie fait fureur chez des psys, des ostéos, des naturos : la théorie polyvagale de Stephen Porges (TPV). Ce théoricien ajoute à cette approche pourtant si simple des couches d’information qui pourraient s’avérer inutiles, pour notre approche en Profilage alimentaire.
Allons découvrir le résumé de la méthode chez un psychiatre français : -> Le nouveau système nerveux autonome : deux mécanismes de défense et un mécanisme d’interaction sociale ->
J’ai repris une image de ce site résumant le concept de Porges - un de ses concepts, qui hélas ! n’est pas validé par les experts du domaine du SNA. Le système vagal dorsal n’a pas d’impact physiologique tel que démontré par des études, c’est une hypothèse de travail de Porges. Comme toute hypothèse, ça passe ou ça casse : il faut l’expérimenter.
De toute évidence, le narratif développé par Porges parle au principal aux psys des traumas. Il a donc son utilité dans notre monde, d’autant plus que, comme c’est devenu une mode, on ne pourra pas la freiner. Accueillons donc la TPV.
Pour ma part, nourrie ad nauseam de littérature sur la psychologie, entre autre celle des traumas, tout cela me semble un peu simpliste si j'écoute les relais en podcast. Cela vient peut-être du fait que ces personnes n'ont pas compris la théorie; ou encore de ce que Porges à la théorie de base une part sur l'engagement social et les relations à l'autre à partir du "vague ventral", ce qui est bien risqué car ça finit vite en blabla psycho-culturo-social sans validation possible autre que l'effet Barnum, bien connu: "ah oui, tiens, moi aussi".
C’est par ma belle-fille, docteur en psychologie et experte en système autonome, que j’ai appris que la TPV est fortement critiquée par les pros du domaine, car les énoncés ne sont pas justifiés, sont non démontrables et même infalsiables tant ils sont flous - la pire critique pour un scientifique ;) . J’ai ensuite un peu investigué et trouvé les arguments, que j’expose en fin de billet pour les curieux.
En gros, Porges a apporté une explication simple pour le praticien, facile à expliquer à l'intention de ses clients. C’est donc une théorie pratique en matière d’éducation du sujet. Que cette approche soit efficace en psychologie malgré sa non-validité, je n’en doute pas. Je vois que quantité d'ostéopathes ont intégré la version TPV aussi. Je ne suis ni psychologue ni ostéo, mais à ce que j'ai capté lors de mon investigation, cette approche ne m'offre rien d'utile dans mon approche systémique de l'alimentaire ou des protocoles à proposer aux victimes de burn-out, sans passer par de la psychologie - info pour les nouveaux arrivants: ça fait trente ans que l'on traite les victimes d'épuisement chronique de cas psys, alors qu'ils vivent de réels court-circuits physiologiques, qu'on pourrait tamponner. En s'aidant de la TPV, je crains qu'on ne s'enferme dans cette voie: "c'est votre trauma".
Je pense que le succès tient à la nouveauté, tout simplement. Il tient aussi au fait que le cadre conceptuel a bien intégré les notions du SNA et aide le sujet à comprendre les réactions de son système autonome face aux dangers. C'est un équivalent du biofeedback à l'américaine, en quelque sorte: on apprend à piloter son propre SNA pour le faire basculer d'ortho en para et l'inverse. Les termes diffèrent chez Porges, mais peu importe.
Aujourd'hui que le mode de vie est devenu en gros un mode de SURvie, nous sommes en majorité en excès d'ortho. On ne sait presque plus se reposer, ni même sentir la fenêtre de tolérance de ce que le corps peut encaisser. On peut comprendre le succès de la TPV dans ce monde surstimulé, surtout auprès de personnes qui n'ont pas la culture générale en matière de santé. J'aimerais que les amateurs sachent que cette approche est assez ancienne, je ne vois rien de très nouveau chez Porges, si ce n'est qu'il a développé un narratif qui parle: nerf vague dorsal et réaction d'immobilisation (procrastrination ou perte de la parole); nerf vague ventral et joyeuses relations aux autres; ortho et système de fuite (comme de l'anxiété, dont des manifestations physiques comme palpitations cardiaques ou augmentation de la fréquence, comme rougeurs). David Servan-Schreiber, par exemple, nous avait appris à se coréguler avec un animal de compagnie, études à l'appui. Ma belle-mère sait qu'elle est plus calme quand elle voit son amie Y plutôt que le couple X de ses amis, tant elle est en ligne avec Y. Elle se corégule avec Y, c'est du bon sens.
Par ailleurs, c'est toujours gratifiant de suivre une théorie révolutionnaire, qui annonce remettre en cause les idées mainstream. Surtout quand elle est annoncée comme "basée sur des études, démontrée scientifiquement": ça rassure, mais ce n'est pas vrai. Du moment qu'on en est conscient... Utilisez la méthode TPV si elle vous réussit, si les techniques vous aident à réguler l'homéostasie, continuez. Mais je ne peux la présenter comme une méthode validée.
En bref, je connais cette méthode par ma soeur naturopathe, qui est certifiée depuis des années, et par mes diverses lectures. Il me semble qu'il s'agit d'une énième méthode d'interprétation des signes comportementaux et des dynamiques relationnelles, comme j'en ai vu défiler des dizaines depuis ma première psychothérapie à onze ans.
Qu'elle soit non validée scientifiquement n'est pas un souci en soi, pour nous profanes - ce n'est un problème qu'entre pros. Quantité de pratiques sont non validées et pourtant vantées. L'EMDR est très efficace, mais peu validée. On peut proposer de manger sans gluten ou sans laitages à tous ceux qui ont des soucis de santé : ce sera efficace dans un premier temps, même si cette approche n’a aucun sens fondamental justifiable. La méthode Fodmaps n'est fondée sur rien de sérieux, n'a pas d'utilité à moyen terme, sauf le fait d'être un régime (tout changement diététique fait de l'effet, dans l'immédiat). Elle est pourtant vantée par quantité de médecins. La "théorie des fibres" pour la santé intestinale n'a non plus aucune validité scientifique, ce que je soutiens depuis plus de 20 ans en tant que spécialiste de la santé digestive vue du terrain (spécialiste depuis les tripes des gens! pas une théoricienne...). La docteur en nutrition Zoe Harcombe en a fait un de ses chevaux de bataille et documente ce grand malentendu avec moult références (voir "Se libérer des mythes en nutrition avec Zoe Harcombe"). A dire la vérité, si j'avais choisi de faire psy, je crois qu'à ce stade je pratiquerais de la psychomagie à la Jodorowski, c'est dire si je ne peux être trop critique face à ce qui est non validé. Mais mes lecteurs conventionnels ne sont pas aussi souples. D'où ma mise en garde.
On dispose déjà de multiples outils pour se recâbler le parasympathique.. Je ne connais pas bien les outils liés à la TPV, mais il en existe déjà dérivés de la théorie de la PNI ou de la maladaptation au stress si on veut pouvoir 1/ diagnostiquer un désordre (ce qu'à ma connaissance TPV ne fait pas) et 2/ tamponner les effets de cette dérive.
A ce que j'ai pu déduire de mes lectures, la TPV s'oriente en partie vers la thérapie des traumas, empruntant des concepts à d'autres auteurs, ceci dit - et c'est bien normal, à la base Porges est psychiatre des traumas. D'expérience, je crains que des coachs santé/assiette ne dérivent vers de la psychologie à cinq sous en pratiquant la méthode. Quand on est devenu thérapeute, on est souvent motivé par la volonté de sauver, y compris l'âme de la personne qu'on soigne. Dans cet élan, on oublie parfois de rester dans les clous: un praticien devrait se limiter à ne conseiller que ce qu'il connaît, par sa formation. Moult sont les naturos que j'ai croisés dans ma vie active qui pratiquaient un mélimélo de techniques physiologiques avec des essais de psychothérapie pour lesquels ils n'avaient aucune certification. C'est un travers naturel, puisque derrière les questions de santé ou de réforme alimentaire, on trouve souvent des réactions humaines qui tiennent plus des neurosciences que de la cuisine pure et dure. Mais ne devrait-on pas s'autolimiter?
Les désordres du SNA sont une réalité : ils impactent l’immunité, la reproduction autant que la digestion, mon domaine d’intérêt. Le SAMA (forme d'allergie, désordre histaminique), les allergies digestives, les troubles intestinaux divers peuvent tous être reliés à une forme ou l'autre de dysautonomie. A mes yeux, ils sont même les signaux qu'un désordre s'installe, petit à petit.
Je postule que, si la théorie des mécanismes est erronée, on ne pourra aller bien loin dans la thérapeutique. Pour les cas précités, on traitera l'intestin, ou le SAMA, en restant dans une forme de soin "épidermique", qui ne va pas au fond des choses. A ne pas prendre la dysautonomie en compte, d'autres signaux vont se faire jour bientôt.J'aurais pu faire de la politique tant je n'ai pas peur de me répéter: cherchons la cause profonde! Lire Analyse de cause racine.
Si la TPV vous aide, praticien, à trouver la cause profonde, pourquoi ne pas l'utiliser? Quant à moi, je me répète, je ne suis pas praticienne, je suis éducatrice de rue du net. Je partage des dossiers pour informer au principal, afin que le lecteur comprenne à quel point son corps fait tout pour se protéger et afin qu'il arrive à se réconcilier avec lui. Qu'un praticien continue en TPV parce qu'il en maîtrise tous les aspects et s'est approprié la méthode, peu me chaut. Il me faut préciser ce qu'il en est de la validité sur le terrain car, bis repetitita placet , j'écris entre autres pour réconcilier le monde alternatif avec le monde médical conventionnel. Il faut donc savoir si la méthode est validée ou pas, si on peut la vanter ou pas. Dans ce contexte, je suis prudente.
Dans un prochain billet, je reprendrai toutes les techniques existantes pour "relancer le para" selon la terminologie naturo familière.
C'est amusant, d'ailleurs, de lire sur le net que l'on se focalise sur "le nerf vague" lorsqu'on pense aux désordres du système autonome. Je retrouve là le si fréquent mouvement de l'humain pour prendre la partie pour le tout. Serait-ce un effet des principes de la mode polyvagale? Je ne sais. Le nerf vague est UN des acteurs, je préfère qu'on comprenne le mécanisme global, qu'on aie une vue d'ensemble. S'il faut aller par là et se connecter avec le collectif du moment, dans ce prochain billet, j'utiliserai donc la formulation "stimuler le nerf vague" à la place de "relancer le système parasympathique".
Si le nerf vague existe bien, soigner un nerf vague dorsal (méthode TPV), alors qu'il n’a démontré aucun impact en physiologie scientifique, tient de la pensée magique, disent les détracteurs. On verra ci-dessous que quasi toutes les prémisses de Porges sont mises en cause par une série de professionnels du domaine de la recherche en SNA. Je m’en tiendrai donc à la théorie classique du SNA, tout en remerciant Porges d’avoir remis ce système essentiel au centre des intérêts de beaucoup.
En effet, on n'est pas trop nombreux pour souligner que soigner le symptôme sans repérer les forces en tension est vain. Il est en effet facile, mais simpliste, de soigner en aval le SAMA (réactivité histaminique ou syndrome d’activation mastocytaire, de plus en plus connu puisque c'est un des effets indésirables fréquents d'une injection génique obligatoire), la constipation, l’hypothyroïdie, les intolérances alimentaires – depuis les laitages jusqu’aux oxalates ou sulfites. Je trouve infiniment plus utile à moyen et long terme de prendre en compte ce qui débloque en amont : très souvent le SNA, parfois UNE hormone qui bloque la symphonie. Certes, au début, on doit éviter les aliments réactogènes, qui sont d'autant plus nombreux qu'on a pratiqué nombre d'exclusions au fil des ans. Mais il faut que cette éviction soit passagère, le temps de calmer l'inflammation et de pouvoir traiter sérieusement la dysautonomie.
Je ne sais combien de fois j'ai répété en cours et en conférence: à l'intention des malades chroniques, mes conseils alimentaires sont des béquilles pour mieux vivre en attendant qu'un tout bon thérapeute débloque la situation globale par des techniques holistiques ou par le choix DU médicament idéal, ne soyons pas sectairs.
J’ai le cœur qui saigne quand je lis mille et un commentaires sur les réseaux sociaux, par des internautes qui se « soignent » en mangeant sans ceci sans cela et encore sans brol ; qui prennent des médicaments pour un trouble qui a probablement sa source dans la dystonie neurovégétative, sous l’une ou l’autre de ses formes (sympathicotonie, vagotonie, etc. ). On ne soigne rien si on ne remonte pas à la source, mon vieux refrain sur l’analyse des causes profondes.
La grille de lecture « désordre du SNA » n’est certes pas une grille universelle, mais elle devrait être présente dans l’esprit du praticien dès lors qu’il audite l’état général d’un patient/client. Si on la complique avec des postulats non validés au plan anatomique, on risque des sur- ou mésanalyses , ou tout au moins de surpsychologiser ce qui est parfaitement physiologique.
Revenons donc à la bonne vieille théorie du SNA, dérivée des travaux de Selye, ou sa variante moderne de PNI.
Quelques pistes pour comprendre pourquoi la théorie TPV fait débat chez les pros.
Un article chez Shin Shin Tang, docteur en psychologie spécialisée en traumas, qui écrit avec humour : « Je me sens un peu comme le Grinch qui a volé Noël lorsque je dis : nous devons arrêter d'enseigner la théorie polyvagale à nos clients et étudiants. Parfois, une théorie ne fonctionne pas même si elle semble géniale» dans « R.I.P. Polyvagal Theory » sur https://medium.com/@drshinshin/r-i-p-polyvagal-theory-897f935de675
En commentaires, elle reprend des extraits de la longue réfutation par le dr Paul Grossman, directeur de recherche à Universitätsspital Basel et spécialiste du SNA - https://www.researchgate.net/post/After_30_years_of_polyvagal_hypotheses_is_there_any_direct_evidence_for_the_first_3_premises_that_form_the_foundation_of_the_polyvagal_conjectures
Voir les publications de Grossman ici : https://www.researchgate.net/profile/Paul-Grossman - dont un article en allemand : « « Polyvagal » : la belle théorie et les faits déplaisants : pourquoi le récit de la théorie polyvagale est certes séduisant, mais probablement faux » (octobre 2024, dans « Psychothérapie », avec Daniel Walz)
On retrouve la réfutation en pdf « Fundamental Challenges and Likely Refutations of the Five Basic Premises of the Polyvagal Theory Paul Grossman” sur https://zenodo.org/records/7955274
Abstract traduit de l'allemand:
“La collection d'hypothèses polyvagales repose sur cinq prémisses essentielles, comme l'indique son auteur (Porges, 2011). Les conjectures polyvagales reposent sur une hypothèse principale selon laquelle les régions ventrale et dorsale du tronc cérébral chez les mammifères ont chacune leurs propres effets médiateurs sur le contrôle vagal de la fréquence cardiaque. Les hypothèses polyvagales relient ces différences supposées entre le vagal dorsal et le vagal ventral au comportement socio-émotionnel (par exemple, l'immobilisation défensive et les comportements d'affiliation sociale, respectivement), ainsi qu'aux tendances dans l'évolution du nerf vague (par exemple, Porges, 2011 et 2021a). En outre, il est essentiel de noter qu'un seul phénomène mesurable, en tant qu'indice des processus vagaux, sert de pivot à pratiquement toutes les prémisses. Ce phénomène est l'arythmie sinusale respiratoire (ASR), c'est-à-dire les changements de fréquence cardiaque coordonnés à la phase de respiration (inspiration vs expiration), souvent utilisés comme indice du contrôle vagal, ou parasympathique, de la fréquence cardiaque.
Je vais ici brièvement démontrer comment chacune de ces prémisses fondamentales s'est révélée soit indéfendable, soit hautement invraisemblable, sur la base de la littérature scientifique disponible. Je vais également soutenir que le fait que la théorie polyvagale considère la RSA comme équivalente au tonus vagal général, voire au tonus vagal cardiaque, est conceptuellement une erreur de catégorie (Ryle, 1949), confondant un indice approximatif (à savoir la RSA) d'un phénomène (un processus vagal général) avec le phénomène lui-même. »
Il se réfère à des experts en physiologie du système autonome et en biologie évolutive autonome, dont je relaye la liste ici, extraite d’un de ses commentaires, à l’intention de ceux qui voudraient faire des recherches - EW Taylor, son coauteur, qui « est certainement l'un des scientifiques les plus respectés dans ce dernier domaine, si pas le plus éminent ; J. Karemaker, W. Wieling, JA Taylor, tous des spécialistes autonomes cardiovasculaires très appréciés ; W Neuhuber, H Berthoud, des neuroanatomistes du sytème autonome reconnus de longue date ».
On peut aussi lire dans Psychology Today : « La théorie polyvagale— un narratif utile qui reste une théorie » (La théorie polyvagale simplifie à outrance des questions complexes et dispose d’un soutien empirique limité), par David J. Ley, docteur en psychologie -> https://www.psychologytoday.com/us/blog/women-who-stray/202209/polyvagal-theory-useful-narrative-but-still-just-a-theory