Dans un précédent billet j'écrivais: "La nutrition n'est pas une science, ce n'est même pas un art pour la plupart, c'est une religion, soutenue par des rites et des mythes. D'où peut-être l'utilité d'avoir joué sur la mythification de la condition animale pour faire bouger les masses. "
Parlant religion, les personnes qui croient aider les véganes en répondant par "la science" et par des arguments rationnels se trompent peut-être.
D'abord, le scientisme est un mythe comme un autre, le rationnalisme une bouée de sauvetage, l'équivalent d'entonner une chanson quand on a peur, dans le noir - rationalisme étant ici entendu comme " rationalité poussée comme idéologie". Croire que son propre mythe (la science) vaut mieux que les autres (croire qu'on souffrira moins d'être humain si on ne fait plus souffrir un boeuf) n'est pas plus malin que croire à la vérité d'un seul dieu, qui serait le mien, tiens. Par ma forme d'esprit, par ma formation, je penche plus vers la logique que vers le magique ou l'émotionnel. Dieu ne me donnera pas de gommettes pour autant, ma posture ne vaut pas mieux que celle de ma cousine.
Ensuite, il est clair lorsqu'on écoute la saga végé extrême et végane que l'on n'est pas dans le rationnel: quasi tous les arguments se démontent en quelques minutes, par la logique, les faits, l'historique. Si on n'envisage pas leur combat dans son rapport psychologique à l'être-au-monde, à l'angoisse de mort (ou d'être mangé soi-même), au rejet d'une brutalité générale et de la domination, aux limites floues entre moi et l'autre, etc. - en gros à tout ce qui taraude l'humain depuis l'Antiquité et qui a donné naissance aux philosophies et aux religions - on risque de parler dans le vide.
Dans un autre billet, j'ai déjà pointé le cycle de conférences de Frank Pierobon où il explore ce qui se trame de profondément mythologique avec le débat actuel sur la condition animale (en 6 conférences).
Nul besoin pour un coach en nutri de devenir philosophe pour autant: retenez simplement que vous ne parlez pas nutrition avec un végane, mais religion, croyances, angoisses. Le discours doit être calqué sur ce que vous savez faire avec les anorexiques, si vous en avez l'expérience - anorexiques qui sont souvent dans une quête bien différente de la simple minceur.
Et c'est bien là que je ne pourrai vous aider dans le livre à venir. Je peux vous proposer des techniques pratiques, des conseils pragmatiques, des pistes de réflexion pour orienter votre pratique de coach face à un végé extrême qui doit se requinquer. Mais je ne peux transmettre par écrit (et je n'en ai pas la crédibilité, d'ailleurs) comment aider la psyché profondément atteinte de ces mangeurs-là.
Ceci fait partie d'une série: 1/ La part religieuse du véganisme - 2/ Comprendre le tourbillon d'émotions et la tentation végane - 3/ Tu fais moins le malin sans le divin