réponse qui devrait paraître en courrier des lecteurs, suite aux articles férocement anti-lait parus dans un magazine bio gratuit belge
"Pour éviter les confusions, je crois qu'il faut bien distinguer allergie et intolérance. Le phénomène allergique est dû à une perturbation profonde du système immunitaire et du tube digestif. On peut en guérir et voir disparaître les allergies, mais c'est un processus thérapeutique de longue haleine qui demande de la rigueur et de la patience.
L'intolérance au lait est la plupart du temps liée à une consommation abusive de laitages et aussi à un régime globalement trop riche. C'est relativement simple à guérir par un allègement individualisé du régime, une amélioration de sa qualité, la suppression temporaire de l'un ou l'autre aliment et par un traitement désintoxicant.
Ceci précisé, remarquons que le fait de l'explosion des allergies et intolérances est récent, quelques dizaines d'années seulement. Récent comme la folle multiplication des vaccins administrés aux bébés. Récent aussi comme la commercialisation massive de produits laitiers dénaturés.
à ce propos, je voudrais ajouter une information sur la sélection des vaches laitières. Depuis la nuit des temps, l'homme ne s'est pas contenté de s'adapter à son milieu naturel, comme les animaux. Il s'est aussi efforcé d'adapter son milieu à ses besoins. Il a inventé le feu et la roue. Il a aussi inventé l'agriculture. Durant des millénaires, il a sélectionné des graminés sauvages pour les transformer en céréales, il a élevé et sélectionné avec sagesse des bovins pour faire de leur lait un aliment adapté à l'homme. C'est en grande partie à l'agriculture et à l'élevage que nous devons d'être passés de l'existence primitive et précaire, proche de la vie animale, à une existence proprement humaine. Malgré les effets négatifs, souvent même désastreux, de notre actuel mode de vie "civilisé", je ne crois pas qu'il faille céder à la nostalgie de l'âge des cavernes et de la chasse au bison.
Mais pourquoi donc, aujourd'hui, tant d'allergies au lait de vache, pas à d'autres laits animaux, chèvre, anesse, brebis? Poser la question conduit à la réponse.
Depuis que l'argent est devenu la valeur numéro un, loin devant la santé, la sélection a totalement changé d'orientation: désormais les vaches ne sont sélectionnées que pour satisfaire l'industrie laitière, c'est-à-dire plus de lait et du lait conforme aux réglementations. Elles sont nourries et soignées en conséquence, dopées aux concentrés de protéines, traitées aux antibiotiques, etc. Il s'ensuit naturellement que les bienfaits de la sage sélection de nos lointains ancêtres s'amenuisent de jour en jour. Le lait de ces vaches est devenu malsain, toxique pour le consommateur sensible, surtout s'il est en plus dénaturé secondairement en laiterie.
Certains éleveurs en bio et en biodynamie sont attentifs à cette question et rament à contre-courant. Ils ne sélectionnent pas leur troupeau selon les critères productivistes et industriels, mais avec le souci de produire du "bon lait". Ils savent, par exemple, qu'un lait trop gras ou qu'une production laitière dépassant 4 à 5000 litres par an fait problème, même pour les veaux! Ils nourrissent leurs vaches avec un maximum de foin, d'herbe et de paill (les bosin étant faits pour une telle nourriture, qui peut et doit être ruminée).
Le lait cru de ces vaches-là est un facteur de santé, l'expérience clinique le prouve. Il peut même être parfois utilisé thérapeutiquement pour guérir certains problèmes digestifs ou allergiques.
Mais il va sans dire que ce genre de produit lacté se fait rare. Et que plus rares encore sont les consommateurs qui ont la chance de pouvoir s'en procurer, à mons d'habiter à côté d'une de ces fermes. Le bon lait de vache cru devient quasi introuvable. Heureusement le bon lai de chèvre existe encore et permet, correctement dilué et sucré, de faire prospérer des nourrissons qui ne peuvent bénéficier de l'allaitement maternel et qui sont allergiques au lait de vache. Le lait n'est qu'un aspect de la question générale de la dégradation nutritionnelle dans nos pays "développés". Cet aliment vendu sous le nom de lait est devenu quasi impropre à la consommation.
Soyons donc clairs sur les mots et ne faisons pas le procès du lait en soi, mais de ce qui est aujourd'hui vendu sous ce nom: un produit animal dégénéré, dénaturé, consommé le plus souvent en excès et dans un contexte de suralimentation globale, une source de profit, pas de santé.
Dr Marc Deru, mai 2006