Je profite de mon billet sur le régime RGS pour toucher un sujet qui me tient à coeur: faut-il vraiment trouver des justifications dans des études scientifiques lorsque l'on sait qu'un régime particulier a déjà des dizaines de milliers de rémissions de maladies graves à son actif? Si, avant 2000, il fallait bien se fier à la littérature scientifique, désormais nous disposons des relais sur le net. Des gourous, certes, mais aussi tant et tant de sujets lambda, honnêtes, qui racontent leur périple en alimentation et, parfois, leur découverte des effets inouis d'une nouvelle diète sur leur état général.
Dès 2000 j'ai beaucoup fréquenté les forums de malades chroniques des intestins, ce que j'ai l'habitude de faire pour d'autres pathologies. Je ne suis pas un perdreau de l'année, je peux juger des divers biais du survivant et autres paramètres qui tromperaient le chaland. C'est ainsi que j'ai pu tester sur moi-même, adepte de Kousmine à l'époque, très végé, l'effet d'une cure américaine appelée SCD, traduite en RGS. C'est cette cure qui m'a permis de sortir de la RCUH dramatique qui m'affaiblissait tant - et cela, sans médicaments, mais ceci est un autre sujet.
Il n'y a pas eu d'étude d'intervention sur ce régime RGS, certes. Le réel n'est-il pas plus convaincant? Dans mes topos j'ai choisi de proposer les cures en modules de quinze jours, parfois trente jours. Cela suffit pour que, dans le réel, le mangeur sente l'efficacité ou l'inutilité de cette voie-là. Ce n’est pas assez long pour abîmer la biochimie du mangeur. En outre, cela permet aux praticiens de se débarrasser de cette très lourde chape de béton, qui encadre certes leur pratique, mais parfois la freine trop: "quelles études scientifiques ont-elles prouvé l'efficacité de ce mode alimentaire?"
Dans le cas du RGS D dont je traitais dans l’article d’hier et qui est présenté dans mes topos sous le libellé "Nouvelle Flore" (car j'aime présenter l'option sous son résultat), je découvre un article remettant en cause l’efficacité du régime. Tiens ? Voyons voir sur quoi ce base cet article, au regard de ce que je connais de son efficacité, quand il est bien ciblé et bien mené ; et au regard du bon sens basique, accessible à tous, hors formation académique.
Je prends le cas de "Diet and Inflammatory Bowel Disease: Review of Patient-Targeted Recommendations”, par Jason K. Hou., 2013, où l'auteur remet en question l'efficacité du SCD.
Je ne peux juger du sérieux de l'auteur comme chercheur, du nombre de ses publications, de son ranking, etc ; mais je peux émettre un avis: comment est-il possible de mettre sur le même pied le SCD et ses résulats prodigieux, pendant plus de cinquante ans, sur des pathologies graves quand il est bien ciblé, avec le fodmaps? - ce dernier régime étant une hypothèse très vantée, mais basée sur quelques expériences sur quelques personnes, qui, sur le terrain de nos expériences, n'a pas prouvé son efficacité sur plus d'un cas sur trois, ce qui me semble léger. Ou encore de comparer le RGS avec la paléo, dont les interprétations vont du plus maigre au plus gras, du plus riche en fibres au plus exempt de fibres. La "paléo" est devenu un mot-valise, on y met ce qu'on veut. Tant mieux, mais comment alors la juger comme catégorie?
Jason K. Hou me semble être professeur de gastro entérologie https://www.bcm.edu/people-search/jason-hou-23238 . Je vous livre mon interprétation en avant-première du long texte ci-dessous: tout "scientifique" qu'il soit, il semble victime d’idéologie et ne fait pas montre de la méthode scientifique qu’on aime.
J'explicite ci-après comment je prends du temps (ou pas) à dépiauter une étude si cela n’a été fait par une de mes sources habituelles (Peter dHyperlipd, dr Eades, etc.). Je le fais sur le ton profane qui est ma marque de fabrique là où mes sources doivent garder un ton sérieux.
Noter l’abréviation MICI pour maladies inflammatoires de l'intestin (MICI), traduction de inflammatory bowel disease (IBD)
Hou annonce que d'autres régimes sont efficaces dans la maladie de Crohn. Je n'en doute pas, ce serait idiot de prétendre que le RGS est la seule voie. Mais Hou va un peu vite en besogne, ill choisit les études qui confirment sa théorie, là où je peux trouver dix études qui le contredisent
Il ne précise nulle part si on continue les médications ou pas, alors qu'en pratiquant le SCD quasi tous les mangeurs sont en rémission après quelques mois, sans médicaments - ce manque de précision équivaut à comparer des pommes et des torchons.
Hou cite par exemple une étude à résultats positifs chez des malades de Crohn lorsqu'ils utilisent un régime semivégétarien (étude de Chiba, Lifestyle-related disease in Crohn's disease: relapse prevention by a semi-vegetarian diet ). Il oublie de mentionner que les patients étaient déjà en rémission de Crohn avant de se stabiliser avec cette diète. Mais surtout, il oublie de mentionner que les patients étaient Japonais, dans un environnement japonais - ce qui change bien des paramètres pour l'efficacité. Si l'on regarde l'étude en question, on comprend que le régime semivégétarien n'est pas du tout celui qu'un Occidental pratiquerait:
Que de paramètres oubliés dans son texte. Et je ne suis qu'au début!
Hou prétend aussi que “les régimes riches en graisses, par le biais de changements induits par l'alimentation dans le microbiote intestinal, peuvent augmenter la perméabilité intestinale, une caractéristique de la MICI". Il se réfère ici à UNE étude sur des souris (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2702831/), alors qu'il existe quantité d'autres recherches aux résultats divergents, étude qui, par ailleurs, ne précisait pas le type de graisse dont il était question. Avis aux profanes: les rongeurs sujets de ces études sont nourris de poudres artificielles. Je n'ose imaginer la qualité des graisses dans cet état. En outre, cette étude particulière ne visait pas à démontrer l'impact des graisses dans la perméabilité intestinale.
Comment peut-on être un scientifique sérieux et généraliser si vite?
Je relève aussi son lien rapide indiquant “Contribution des protéines alimentaires à la production de sulfure dans le gros intestin : une étude in vitro et une étude d'alimentation contrôlée chez l'homme ” L'étude en question est https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11101476/. Les chercheurs ont testé sur CINQ personnes des régimes à zéro apport de viande jusqu' à 600g par jour (!). “La consommation de viande variait de 0 g/j avec un régime végétarien à 600 g/j avec des quantités intermédiaires de 60 g/j, 240 g/j et 420 g/j. Et ce, pendant 5 fois 10 jours, ce qui n'augure en rien de l'adaptabilité du corps à des régimes s’ils sont tenus en permanence. Les menus comprenaient, outre la viande, de hautes quantités de farineux (voir table 1 dans https://academic.oup.com/ajcn/article/72/6/1488/4729507). Important à savoir car la digestion de la viande n'est pas identique si on la combine avec des farineux, ou des graisses malsaines.
Il est éclairant de lire les menus dans la table 1, que je traduis ci-dessous: comment évaluer l'effet d'une alimentation lorsqu'on la combine avec de l'eau doublement distillée (l'intérêt? perdre tous les électrolytes?)? comment évaluer l'effet si la grande majorité des aliments sont du grand n'importe quoi, probablement riche en additifs, assurément vidés de leurs nutriments?
Petit déjeuner
Biscuits de blé, lait, pain grillé, margarine et marmelade.
Déjeuner
Pain, margarine, fromage et tomates ou poulet ou bœuf ; ketchup ou cornichons ; biscuits digestifs ; pomme ou orange.
Le soir
Œuf, thon ou crevettes avec de la mayonnaise
Lasagnes aux légumes ou au bœuf, légumes aigre-doux ou porc avec du riz, ou steak de bœuf avec des frites et des haricots verts
Glace ou crème avec des fruits en conserve
Boissons
Thé, café ou les deux à tous les repas et eau double-distillée à volonté.
Leurs conclusions (traduc automatique):” Les concentrations moyennes (± SEM) de sulfure fécal variaient de 0,22 ± 0,02 mmol/kg avec le régime à 0 g/j à 3,38 ± 0,31 mmol/kg avec le régime à 600 g/j et étaient significativement liées à la consommation de viande ( P < 0,001). La formation de sulfure dans les cultures fécales discontinues additionnées à la fois d'albumine sérique bovine et de caséine était corrélée à la digestion des protéines, mesurée par la disparition des substances réactives de Lowry et l'apparition d'ammoniac. “
Tiens, pas de résultats des effets réellement vécus par les participants: souffraient-ils de ces sulfures excessifs, par exemple? Se sentaient-ils mieux, moins bien, sur la base de quels facteurs précis? Seuls les marqueurs sont ici étudiés. Cela ne prédit en rien le résultat sur la personne. Je connais autant de personnes qui s'abîmeraient à manger tant de viande, que de sujets qui se sentiraient infiniment mieux. Dans ce dernier cas, c'est le cas lorsqu'ils diminuent considérablement le cas des farineux (ce qu'on réalise en paléo ou en RGS).
Ces chercheurs ne sont pas de mauvaise foi, ils sont enfermés dans un aquarium. Pris par l'urgence de publier, ils s'adonnent à des généralisations sur bases anecdotiques que l'on reprocherait à monsieur Dupont. Perdus dans la foison informationnelle du domaine, ils font du cherry picking de première bourre.
Et ils croient aux "marqueurs", bien plus qu'aux résultat dans le réel. "La science" a décidé que tel marqueur était toxique, l'étude démontre la présence du marqueur, l'aliment testé est donc toxique. Avouez qu'on dirait des enfants, non?
Prenons l'exemple des cures Atkins. Lors de test cliniques, on découvre que, dans certains cas, les taux de cholestérol augmentent chez le mangeur. Le "marqueur" augmente. Dans la religion de ces chercheurs (pardon à eux, mais c'est de l'idéologie ), le cholestérol est "mauvais". Pas de précision sur le type de cholestérol qui aurait augmenté, par exemple. Cette critique est encore légère; la plus dure critique arrive: aucune source scientifique ne peut démontrer que des taux de cholestérol supérieurs à la norme officielle, dépassant les "marqueurs" standard, seraient impliqués dans des problèmes de santé, si pas de létalité. Il s’agit de croyances. Eh oui, comme en religion, comme en légendes urbaines. Ces croyances ont été démontées par nombre de chercheurs hétérodoxes en MCV et en lipides, une partie d’entre eux réunis au sein du groupe Thincs (International Network of Cholesterol Skeptics - http://thincs.org/index.php ).
Ces chercheurs "orthodoxes" partagent donc une idéologie anticholestérol et la déguisent sous la forme de "marqueurs" chiffrés. Comment contredire un chiffre? C'est puissant comme impact dans le mental de nos contemporains. Long discours que j'ai résumé ici: négocier entre l’utilité d’avoir des normes et des valeurs chiffrées et notre propre ressenti.
Dolto nous a appris à écouter l’enfant, je vois tant de parents qui ont poussé jusqu’à obéir à l’enfant. Sur le même changement de pied, on peut écouter la recherche, on ne doit pas lui obéir, voyons.
Bref.
A la découverte de cet article scientifique anti-RGS, j'avais bien sûr d’abord sauté directement à sa conclusion. Ensuite j’ai pris le temps de lire attentivement son déployé. Je ne suis encore qu'à l'introduction de l'article de Hou, à la première page. Permettez-moi d'abandonner, considérant que ce professeur défend une idéologie et non une posture scientifique: des généralisations abusives, des références à des études anecdotiques...
Et voici comment une mamie Crouton de ville de province, sans référence académique pourtant, peut ne pas perdre son temps à lire des articles peu fiables. La nutrition est un art, au sein du monde médical qui représente aussi un art, et non une science en soi: le contexte, le tact thérapeutique, l'accueil des tâtonnements font partie intégrante de ces deux "sciences". Remettons donc leurs résultats en perspective. Avec l'observation du réel, tiens.