taty lauwers

cuisinez selon votre nature

en quête d'un devenir-soi nutritionnel

Dégâts des eaux ou la potomanie institutionnalisée

7.7.2025. Voyons que penser de l'injonction répétée à plus soif de « boire 8 à 10 verres d’eau chaque jour » au regard du profilage alimentaire et des traditions séculaires. Je republie un de mes articles de 2003.

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un prochain livre, ;

à paraître chez Aladdin, par Bibi

Le pitch: « Boire beaucoup » n’aide pas à maigrir ou à éliminer les toxines. Au contraire, cette manie entraîne parfois une souffrance du système digestif. L’habile technique des conseilleurs en minceur pour vous faire boire beaucoup d’eau a pour seul effet d’occuper l’estomac et de leurrer la sensation de faim. C’est, encore une fois, un paramètre de nutrition à tester pour chacun. En général, il vaut mieux boire à petites gorgées, de petites quantités à la fois, que ce soit tiède ou chaud, après un repas. Quelques profils, dans certaines conditions, ont besoin de boire plus que la moyenne.

« Buvez 8 à 10 verres d’eau chaque jour ». Ce mantra des mantras en diététique est répété jusqu’à plus soif à quelques variantes près, et ceci même chez des conseilleurs peu consensuels comme Pierre Pallardy, qui reconnaît pourtant par ailleurs, paradoxe, que « chaque individu relève d’une discipline alimentaire différente et personnelle ». Bien sûr, boire de l’eau ou des jus frais vaut mieux que boire des sodas sucrés ou du porto tout au long du jour, mais cela ne dépend-il pas tout simplement du tempérament métabolique de chacun, et surtout du reste de la ration alimentaire ?

Comment forcer à boire autant d’eau deux personnes aux plans alimentaires différents : l’une qui mange fruits et légumes en pagaille, ainsi que des aliments frais; l’autre qui se nourrit d’aliments surmanufacturés, sursalés, sursucrés, qui est polymédicamentée... tous paramètres qui augmentent les besoins en eau ? De l’avis même des spécialistes indépendants, les fondements scientifiques laissent à désirer. Certains sujets, faute de boire, se sont retrouvés en déshydratation; d’autres en buvant trop ont lessivé toutes leurs réserves.

Pour sortir du labyrinthe de confusion informationnelle, il m’a fallu explorer quelques pistes que voici que voilà. Je me concentre ici sur les quantités d'eau qu'il nous est suggéré d'ingérer, je ne me préoccupe aucunement de la qualité de l'eau - ce qui fera l'objet d'un autre article. Depuis 1998, j'utilise un filtre à osmose inverse de marque Aquathin, qui élimine les potentiels déchets de l'eau de distribution.

 

Le diktat du litre et demi

La consommation d’eau doit être adaptée en fonction du mangeur et de conditions particulières. Le diktat du litre et demi d’eau par jour et son origine « commerciale » sont largement couverts dans un article de l’excellent magazine français Que Choisir. Le journaliste interroge des spécialistes universitaires, dont le discours confirme ce que vous lisez ici. J’y renvoie donc les plus curieux.

« Le diktat du litre et demi », Que Choisir, mars 2002. Digital. +- 5 €. Article d’une page et demi. NB 2025: introuvable, hélas.

En résumé, le corps humain a besoin d’un litre et demi de liquide par jour (sauf cas exceptionnels). Cet apport de liquide est garanti par les aliments frais au principal: imaginez qu’un concombre est composé de 92% d’eau, que même la viande contient une majorité d'eau. En consommant au principal des aliments frais (mes "nourritures vraies"), cuisinés chez vous, incluant de belles et bonnes doses de légumes, vous ne devriez pas souffrir de la soif au point de ressentir le besoin de boire plus d'un litre d'eau de boisson.

La Diététique du Tao de Philippe Sionneau

Mon bon sens s’est bien porté de s’éclairer aux loupiotes de la séculaire tradition chinoise. Dans son livre La Diététique du Tao, Philippe Sionneau (professeur d’acupuncture) prend le contrepied de cette manie moderne. La diététique chinoise conseille de boire à petites gorgées, après le repas, une petite tasse d’eau chaude. Point. Barre. L’extrait qui nous intéresse ici est publié sur son site sous le titre Boire des litres d’eau ? J’en reprends un court passage plus loin, en encadré grisé. Son site : www.sionneau.com.xxx

L’hypothèse et la pratique du docteur Pourtalet

Un esprit européen en quête d’explications rationnelles trouvera des pistes intéressantes dans le livre de Georges Pourtalet, chirurgien à Paris.

Le corps a ses raisons que la médecine ignore (Comment l’alimentation et la digestion influent sur votre vie quotidienne)», par le docteur Georges Pourtalet, aux éditions du Dauphin. Mes notes de lecture (encore en brouillon) sont sur le site, page https://taty.be/choisir/pourtalet.html.

Lui aussi recommande de ne pas boire plus d’eau que l’essentiel minimum, sous peine de perturber tout l’équilibre digestif. Et il s’explique. Ah ! mais ah de ah... enfin une autorité médicale qui confirme ce que l’on peut observer tous les jours sur le terrain. « Plus nous buvons, plus nous agressons le colon, plus nous envoyons dans notre corps ce « facteur de destruction total » et plus nous détruisons nos reins en cherchant à nous en débarrasser », écrit le docteur Pourtalet. Il explique l’hypothèse de cette toxicité dans son livre, dans un langage très accessible aux profanes comme nous.

Le « facteur de destruction total » dont parle l’auteur doit être à mon avis constitué par des sucs pancréatiques bien trop acides par rapport à la norme physiologique, situation courante chez les mangeurs modernes.

Le docteur Pourtalet observe d’ailleurs que plus on boit, plus on dilue les médicaments et moins ils sont efficaces (recherches à l’appui, bien sûr, il n’invente pas son réel même s’il exagère sa portion de vérité en rapportant tous les troubles digestifs à sa théorie de l’appendice enflammé). L’auteur commente d’ailleurs les effets secondaires qu’il observe en cas de surcharge en apport liquide : jambes lourdes, prise de poids, cellulite, pesanteur abdominale, sensations de gonflements. Ce sont précisément tous les embarras que le surbuveur-type cherche à éviter en suivant les dogmes publicitaires.

 

Diététique de l’expérience, de Robert Masson

Robert Masson, diététicien naturo français connu pour ses nombreux livres dont Diététique de l’expérience (ou 50 années d’observations), confirme cette observation au cours de sa longue carrière.

« Suivre la mode médicale et naturopathique qui consiste à boire sans soif va augmenter la volémie (volume du sang circulant). Pour imaginer cette nuisance inouïe, un cœur qui propulse 7000 litres de sang par 24 heures va, dans l’hypothèse d’une volémie augmentée de 20 %, propulser 8.400 litres de sang par 24 heures, soit en dix ans 5 millions de litres de sang propulsés inutilement. Bonjour les dégâts ! Bonjour le vieillissement cardiaque ! Bien sûr, certaines maladies nécessitent de boire au-delà de la soif (lithiase rénale par exemple), mais nous sommes dans le pathologique, non applicable à l’être sain ».

L’eau draine le corps et la terre serait plate ?

Les conseilleurs en surboissonnage vous rappelleront qu’il faut se forcer à boire, car « vous ne sentez pas la soif »... Ah, bon ? C’est comme quand je ne « sens » pas le besoin de changer de garde-robe chaque année pour le bien-être du PNB national ! Un physiologiste du sport sérieux vous rappellera que l’eau claire n’hydrate pas, c'est l’eau chargée en nutriments qui est utile. D’où les chères eaux conçues pour les sportifs, qu’en régime plus démocratique vous remplacerez intelligemment par des jus de légumes frais, tiens !

Un spécialiste du drainage reconnaîtra que ce sont d’autres phénomènes de combustion métabolique qui éliminent les toxines, et non l’eau. S’il suffisait pour drainer un corps en marécages de « boire beaucoup », la doctoresse Kousmine, ma maître en naturologie lors de mes premiers pas, aurait-elle développé un protocole aussi complexe que ses cinq piliers? Dont j'ai résumé la part diététique dans Une Cure Antifatigue, programme de drainage profond - en l'adaptant aux non-malades. Je rappelle qu'elle était connue pour ses résultats mirobolants sur les cas de scléroses en plaques et de cancer.

Le coup d’œil du profane

Boire suffisamment, ni trop ni trop peu, et s’attacher à boire de « l’eau qui vit » (sous la forme de végétaux frais). Cette intuition ne m’a pas été dictée par un ange après une nuit de méditation. Elle dérive de ma propre expérience, bien sûr. A part lors de mes deux cas d’agonie prolongée (cancer et rectocolite RCHU) et les heures où je jouais au tennis en simple en pleinc cagnard, je n’ai quasi jamais soif ! Au contraire, si je bois trop d’eau, je ne digère que laborieusement et je fais quantité d’allers-retours vers l’endroit le moins passionnant de ma maison. Lorsqu’il y a quinze ans je me nourrissais quasi exclusivement d’aliments de dépannage (quasi que de la malbouffe: sursalés, sursucrés et riches en additifs) et que j’étais polymé­dicamentée, j’aurais peut-être bien dû boire plus, mais cela vaut-il pour un amateur d’aliments frais au régime plus modéré ?

Lorsque j'ai vécu en Egypte, par 40 à 50°C à l’ombre, de superbes mémés nomades, en pleine forme, m’ont offert de les suivre dans leur quotidien: des aliments frais et un petit thé de temps en temps. Soyons précis: on est vite mémé dans les conditions rudes de la vie nomade, en tente et en mode quasi-esclave des mecs. Elles devaient avoir 50 ans et en paraissaient 70, mais ne souffraient de rien et riaient en permanence. Fin de la parenthèse.

La très efficace cure macrobiotique de George Ohsawa limite les boissons à trois verres de thé Mu par jour. Les pratiquants de cette cure en disent le plus grand bien.

Chez nous, j’ai rencontré tant et tant de personnes âgées autonomes et en bonne santé (peut-être moins matraquées par les pubs que les plus jeunes générations), qui prétendent ne presque rien boire en dehors des repas.

Quantité de personnes reconnaissent qu’elles jouissent d’une meilleure digestion depuis qu’elles ont arrêté de suivre cette curieuse injonction de se gaver d’eau. On a vu ce qu’il en est de la pratique sur le terrain des diététiciens chinois. Quelle population attachée à l’alimentation première boit tant d’eau ? Appel aux historiens.

Ce ne sont que des observations de bon sens, sur le terrain, pour confirmer les premiers dires de l'article, basés sur "la science".

De l’eau distillée, et puis quoi encore  ?

Les naturos américains ajoutent une note nouvelle à ce mantra : ils boivent de l’eau distillée ! Aïe aïe aïe, mammita ! Kousmine, reviens, ils sont fous... C’est à la batterie de ma voiture que je donne de l’eau distillée ! A mon corps, je donne de l’eau filtrée, oui, de l’eau en bouteille, oui; soit de l’eau qui soit pure de contaminants et équilibrée en bio-électronique. L’eau distillée risque de perturber l’équilibre bio-chimique jusqu’au plus profond des cellules. Vide de tout électrolyte, par osmose naturelle, cette eau risque de provoquer des échanges cellulaires accélérés et délétères.

En cette année 2003, je n’ai pas encore vu cette vague déferler en Europe, mais il n’est pas trop tard pour en prévenir les possibles dégâts.

Boire ou ne pas boire ?

Résumons. Les dégâts des eaux commencent avec la répétition quotidienne et prolongée de consommation excessive d’eau sans avoir soif. En cuisine nature au quotidien, votre corps aura déjà reçu, sous la forme de végétaux et autres aliments frais, plus d’un litre de liquide. Avec votre thé du matin, vous y voilà au litre et demi fatidique. Ajoutons une ou deux tasses ou verres de tisanes - cafés - boissons de plaisir sur la journée, on arrive aux deux litres. Si vous avez très soif, bien plus soif que ce que vous ne connaissiez auparavant, filez chez le médecin, c'est parfois un signe pathologique (début de diabète). Parfois une soif excessive est un signe de déséquilibre en acides gras, souvent une carence d'apports (les régimes minceur poussent à manger très maigre). Cela se règlera en quelques semaines par une alimentation adéquate ou par l’ajout de gélules d’onagre. Un thérapeute saura quoi faire.

Soit dit en passant, l’auteur Peter d’Adamo doit avoir raison sur l’un ou l’autre point de sa théorie des groupes sanguins. L’on observe en effet que les mangeurs du groupe sanguin 0, produisant beaucoup d’acide chlorhydrique, profitent de l’effet tampon de l’eau gazeuse à cet égard; alors que les mangeurs du groupe sanguin A, en carence de cet acide en général, préfèreront l’eau plate ou les tisanes.

Encadré la posture de la diététique chinoise selon Philippe Sionneau

Inspirons-nous de Philippe Sionneau. Dans l’extrait de son livre Diététique du Tao publié sur www.sionneau.com et reproduit en partie ci-dessous, on peut lire de judicieux et subtils conseils en fonction du profil biologique.

  • Si vous êtes frileux, avec les mains et les pieds froids, tendance à être fatigué, à transpirer peu dans la journée, avoir des selles molles, alors vous devez boire assez modérément et chaud.
  • Si vous urinez assez fréquemment, clair et en quantité importante, alors vous devez boire assez modérément et chaud.
  • Si vous n’éprouvez pas ou peu la soif naturellement (même si vous buvez beaucoup par habitude), alors vous devez boire assez modérément et chaud.
  • Plus vous avez soif, plus vous avez chaud, plus vous transpirez, plus vos urines sont foncées ou peu abondantes, plus vous souffrez d’une sensation de bouche et gorge sèches, plus vous pouvez boire en quantité, mais nous vous recommandons de boire quand même chaud ou à température ambiante. Les boissons fraîches ou glacées provoquent tôt ou tard des problèmes de santé même chez une personne de bonne constitution qui ne fait pas attention. »