Continuons à explorer le sujet de l'indispensable drainage organique. Billet à l'intention des coachs et des férus de nutri: le contexte du jeûne hydrique, des cures et des profils, hors traitements du cancer.
Extrait d'une fable de Jean de La Fontaine ( source: Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire Livre XII, fable 25)
Qui mieux que vous sait vos besoins ?
Apprendre à se connaître est le premier des soins
Qu'impose à tous mortels la Majesté suprême.
Vous êtes-vous connus dans le monde habité ?
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité :
Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.
Troublez l'eau : vous y voyez-vous ?
Agitez celle-ci. Comment nous verrions-nous ?
La vase est un épais nuage
Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer.
Mes frères, dit le Saint, laissez-la reposer,
Vous verrez alors votre image.
Pour vous mieux contempler demeurez au désert.
Ainsi parla le Solitaire.
Il fut cru, l'on suivit ce conseil salutaire.
La Fontaine écrivit cette fable en fin de vie. Son ton un peu janséniste ("le Solitaire" évoque Port-Royal) convient au discours que je tiendrai dans ce billet: la tenue d'un jeûne hydrique de plus de 48 heures est un rite spirituel au principal, une escale au désert de soi. Je ne considère pas le jeûne comme une cure ordinaire - en témoigne l'interview sur le jeûne que j'ai réalisée auprès de pratiquantes.
Si l'on ne comprend pas que l'objectif est de dégraisser jusqu'au cristal, si je me permets une image osée, je crains qu'on ne loupe les effets du jeûne.
Ce billet est inclus dans le dossier "Prévenir une rechute". Ne confondons pas les contextes. Lors de traitements, le jeûne est conseillé deux jours avant et deux jours après les chimios, ce qui annihile une partie des effets secondaires comme les nausées. Il est déconseillé de jeûner plus longtemps, de crainte d'accélérer la cachexie. Certains sujets ont obtenu de beaux résultats anticancer par la pratique du jeûne, mais ils étaient d'une constitution hors pair à la base. Ne vous y risquez pas!
Je ne mentionne le jeûne hydrique court que dans le cadre d'une prévention de rechute.
Le jeûne est la meilleure manière de faire de l'ordre dans le mental, dans la vie, dans les tripes. Mais, à mes yeux, que l'on soit en prévention de récidive de cancer ou de maladie autoimmune, ou simplement en entretien de son bien-être, je ne considère la semaine de jeûne comme efficace que si l'élan est doublé d'une quête spirituelle. Pour toute autre intention que spirituelle, j'ai plein d'armes dans mon petit carquois plutôt que d'en passer par une semaine de jeûne. Si l'on souhaite pétiller de la cétose qu'apporte le jeûne, on peut tenir une cure cétogène, où l'on mange tant et plus (généralement peu, tant l'appétit se fait la malle). On peut la pratiquer en une forme plus verte, qui est quasi la cure antifatigue de mon topo éponyme. Si l'on souhaite ne plus souffrir des effets des intolérances habituelles (urticaire & Cie), on peut pratiquer une cure Détox-Flash alias le Kitchiri des Indiens (détaillée dans mon topo désormais gratuit Gloutons de gluten), ou tout autre cure pauvre en réactogènes. Si l'on souhaite mincir, le jeûne est de toute façon la pire des bonnes idées. Mais si l'on veut vraiment perdre du poids, il y a d'autres techniques qui évitent l'effet yoyo par après. La liste des bénéfices du jeûne que je peux retrouver dans d'autres types de cure est infinie.
Mais ... si le jeûne est la meilleure manière d'épurer son environnement intérieur pour y voir plus clair, pourquoi ne l'as-tu pas repris dans tes cures possibles? me rétorquez-vous. Je mentionne le jeûne au passage, certes, mais je n'insiste jamais pour deux raisons.
Primo je n'apporterais rien de nouveau. Les méthodes de jeûne sont connues et éprouvées.
Secundo, j'écris au principal pour les mangeurs en marge, les laissés pour compte de la nutri (les cas atypiques, les bio hackers, les cas de burn-out, les canaris de la modernité, e.a.). Pour les plus fragiles de naissance et pour ceux qui se sont déglingué au fil des régimes (régimes minceur ou régimes trop éthiques, comme le végétarisme mal ciblé), le jeûne strict me semble trop violent et trop générateur d'assuétudes. Je n'ai pas d'études sur le sujet, mais en direct, en atelier, en conférences, j'ai rencontré tant d'ex-jeûneurs qui avaient développé des compulsions alimentaires au fur et à mesure de leurs essais que j'en suis venue à me poser des questions. C'étaient des personnes qui, probablement, ne prenaient pas en compte la part spirituelle de cette pratique; ou qui souffraient de pré-TCA à la base (TCA: troubles du comportement alimentaire - préTCA n'existe pas dans la littérature, c'est mon code perso pour ces mangeurs qui sont sur la crête fine, pour qui il suffit d'un petit coup de pouce pour passer en TCA).
Les autres cas rencontrés étaient ces personnes qui, au sortir du jeûne (qui est souvent accompagné par des guides de tendance hygiéniste, un mode végétarien peu protéiné), ont suivi les injonctions de leurs guides et se sont fragilisés à mener une diète contraire à leur nature, qui aurait eu besoin de plus d'omnivorisme et de protéines animales. Fragilisés, ils pensaient se requinquer avec une autre semaine de jeûne. Hélas, le premier flash de bénéfices ne se retrouvait plus...
Martine Willot, qui organise des stages de jeûne en méthode Buchinger en Bourgogne, a mis le doigt sur une amélioration à apporter à la sortie de jeûne. Classiquement, la reprise d'alimentation se fait avec des fruits ou des jus, des aliments très glucidiques. Certes, en une progression très calculée par ces conseilleurs, dont tous me semblent être de la mouvance hygiéniste/végétalisante. Or, le jeûneur vient de baigner en précieuse cétose pendant 5 à 10 jours. Il combure sans déchets (bénéfice des corps cétoniques), l'insuline est au calme, tout comme la dopamine. Quelle drôle d'idée d'aller rechatouiller son circuit de l'insuline et de la dopamine avec tant de sucres!
Si le mangeur est équilibré, s'il était insulino-sensitif au départ, s'il est un cueilleur de nature (ceux qui comburent bien au caramel), pourquoi pas? Mais si c'est l'inverse (insulinorésistant ou simple glycémie instable; ou chasseur en déséquilibre - cas de figure qui semblent devenus la majorité aujourd'hui aux States, l'Europe commence à les suivre), on perd les bénéfices du jeûne. Si j'en crois les témoignages de quelques uns de mes interlocuteurs, j'ai même le soupçon que des personnes qui étaient insulinosensitives avant le jeûne mal conduit sont devenu insulinorésistants après.
Je pense que les anciens maîtres à jeûner comme Buchinger lui-même étaient soit de superbe santé soit de pur cueilleurs en identité métabolique, à la base (ceux qui ont rarement des troubles de l'insuline, ils peuvent rester insulinosensibles malgré un quotidien très glucidique).
Pour être accompagné en stage de jeûne et randonnée, je ne conseille d'ailleurs QUE Martine Willot. Car elle a bien compris ce défaut de sortie de jeûne. Elle l'organise de façon à reprendre en douceur, selon la tolérance personnelle de chacun pour les glucides. En après-cure, Martine conseille le jeûne hebdomadaire (une journée), une mono-diète hebdomadaire, le jeûne intermittent (17 h sans manger donc souvent sauter le petit déj'), la tenue du Stop & go -- choisis selon le profil bien évidemment. Elle insiste sur l'écoute de son corps et de ses besoins. Pas de protocole valable pour tous. Jusqu'ici Martine n'a pas vu de cas de reprise de poids radicale après le jeûne ou d'autres effets de bord tels qu'on les connaît traditionnellement. C'est la voie royale!